dimanche 11 janvier 2015

Nin

alt=Description de cette image, également commentée ci-aprèsIl est un auteur, ou plutôt devrai-je dire une auteure, une écrivaine, dont l'œuvre est finalement méconnue en France ; il s'agit d'Anaïs Nin. Née en France en 1903, décédée aux USA en 1977, chaque biographie succincte qui lui est consacrée la positionne à l'ombre d'Henry Miller, et la présente comme une sorte de muse volage et volatile auprès de grands noms de la littérature (Miller, Artaud, pour ne citer que les plus importants), le film de Kaufman au début des années 1990 n'ayant fait qu'aggraver les choses. Bref, selon ces portraits biographiques, Nin n'aurait été qu'une mondaine lettrée, affamée d'expériences et de révolution sexuelle, animée parfois de quelques velléités littéraires notamment dans la rédaction de romans érotiques (Vénus erotica, par exemple).
Mais Nin fut bien plus que cela. Oui, Nin fut de ces femmes qui voulurent s'affranchir du cadre policé de la femme bien comme il faut  en des temps où cela signifiait se tenir en retrait derrière l'homme, et n'être que la caution, la béquille et l'objet du plaisir de l'homme. Mais à la différence d'une Beauvoir trop encline à un militantisme féministe communard hystérisant, Nin conservait l'élégance dont une vraie femme n'a pas à se dispenser, capable d'entretenir diverses voire nombreuses liaisons sans en faire montre sous l'étendard de la femme libérée qui prône in fine plus que l'égalité des sexes par le levier de la sexualité et non par l'intellect. Nin, par ailleurs et surtout, fut un esprit brillant, véritablement humaniste, un être humain avant tout dans un corps de femme que les plaisirs attisent tout naturellement (et non idéologiquement).
Ci-dessous un passage de son Journal (1931-1934) très représentatifs de ses qualités artistiques et morales :
"Ce que j'ai à dire est tout à fait distinct de l'art et de l'artiste. C'est la femme qui veut parler.(...) Je dois parler au nom d'un grand nombre de femmes. A mesure que je me découvre, je sens que je ne suis qu'une parmi tant d'autres, un symbole. Je commence à comprendre les femmes d'hier et d'aujourd'hui. Celles du passé, privées de la parole, qui cherchaient refuge dans des intuitions muettes, et celles d'aujourd'hui, toutes livrées à l'action, qui copient les hommes. Et moi, entre les deux..."
Toujours, chez Nin, ce constat d'une ambivalence dont elle n'appartient à aucune des deux facettes. Elle ne se veut pas la muette compagne, mais n'en désire pas pour autant singer l'homme. Là est la véritable voie de la femme. Elle reproche les femmes de son temps de ne vivre que dans l'action, et ainsi décrira-t-elle June, la sulfureuse compagne de Miller, car Nin sait qu'elle ne doit pas délaisser l'intellect au profit d'une affirmation de la femme seulement basée sur l'action et le corps.

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