vendredi 2 janvier 2015

Naissance de l'art marchand

L'Art, de nos jours, ne remporterait pas les suffrages de la plupart des grands maîtres d'autrefois, pas plus que de leurs mécènes ou simples admirateurs.
Quelques anecdotes me confortent en ce sens : dans une illustre galerie new-yorkaise, la femme de ménage crut bon de nettoyer le sol jonché de détritus (papiers, canettes,...) et de jeter le tout à la poubelle. Le lendemain matin, le galeriste et ses affidés tremblèrent à la vue de ce qu'ils considérèrent comme un massacre ; la femme de ménage avait détruit une "œuvre" estimée à 10.000 dollars !
Œuvre d'Aelita Andre
Je prendrai pour autre exemple le cas suivant : une fillette australienne, Aelita Andre, réalise des œuvres d'art abstrait et les vend des milliers de dollars. La petite aime les couleurs, manipuler la matière, jouer des textures, et s'affranchir des méthodes traditionnelles usant pour outils pinceaux ou spatules. Qu'en est-il du résultat ? De l'art abstrait, que la petite, avec toute son insouciance et surtout son honnêteté, nous décrit comme étant un oiseau qui vole au-dessus d'un personnage zoomorphe ou anthropomorphe (la distinction n'a guère d'importance en l'occurrence) lorsqu'elle désigne de son petit doigt quelques taches et bavures, bien loin, soit dit en passant, de l'interprétation qu'en auraient fait les galeristes et autres critiques.



En résumé, il ne me semble pas imprudent d'affirmer qu'un problème de taille se pose lorsque le travail d'un artiste a été réalisé à des fins totalement différentes que celles pour lesquelles elles sont accueillies par l'esprit critique du spectateur, et qu'on ne me dise pas qu'une femme de ménage en est forcément dénué, car cela serait de la malhonnêteté crasse doublée d'un mépris formidable pour la plèbe béotienne.
Ces deux cas sont cependant différents. Dans le premier, la forfaiture et la fumisterie sont manifestes, d'autant qu'aucune transformation de la matière première n'a eu lieu, et le simple fait de poser des détritus sur le sol, même dans un périmètre donné, n'ouvre comme perspective que de donner la possibilité aux commentateurs de l'œuvre de l'interpréter comme bon leur semble. Dans le second, la fillette tente de réaliser quelque chose, selon ses critères, et le seul reproche que l'on soit en droit d'opposer est l'hypocrisie cupide qui mercantilise ce genre de réalisations et leurs auteurs.
Une chose est sure : la fillette ne saurait réaliser du Velázquez, du Courbet, du Bosch ou du Dali. Le pseudo artiste newyorkais, lui, aurait beaucoup à apprendre de la fillette.

Le propos de mon article n'est pas de poser en critique d'art que d'aucuns jugeront réactionnaire, mais de démontrer que l'art, tel qu'on l'entend aujourd'hui, échappe aux paramètres autrefois requis, et je ne fais pas référence à une prétendue nécessité du figuratif. Bosch, c'est du grand art, et pourtant le réalisme n'est pas de mise dans son œuvre. Dali, c'est la réalité transcendée, mais l'homme savait dessiner le modèle qu'il sublime

Afin de replacer dans le temps le moment où l'art a basculé, on peut aisément le situer au début du XXème siècle, vers les années 20, lorsque certains marchands d'art (notez bien le terme marchands) ont entrepris de constituer leurs expositions, leurs collections, leurs fonds de commerce avec les œuvres d'artistes inconnus, lesquels, dès que le succès est arrivé faute d'offre meilleure et grâce à d'expertes compétences commerciales des marchands, furent suivis par d'autres inconnus, produisant pour la plupart ce que l'on désigne désormais comme de l'art abstrait, ou du cubisme, du futurisme, du surréalisme un peu plus tard. Ainsi, grâce à des marchands tels que Rosenberg, pour ne citer que l'un des plus influents sur la place parisienne, l'art commença d'être évalué non par sa qualité intrinsèque mais par son exclusive interprétation extrinsèque, ouvrant la porte à toutes les dérives...

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