Yukio Mishima (1925-1970), écrivain japonais, est le plus souvent évoqué comme un personnage quasi caricatural d'un Japon d'après-guerre, cumulant bon nombre des idiosyncrasies que le monde des lettres (souvent répondant plus aux nécessités d'un bibliothécaire ivre de catalogage qu'à celles d'historien d'art et de littérature) et les media peu enclins à la recherche approfondie aiment à faire coller à un personnage plus qu'à un artiste. Non, Mishima n'était pas un fanatique réactionnaire fascisant, pas un taré obnubilé par un retour aux fastes de l'empire, pas un militariste dénué de sens socio-économique. Chacune de ses biographies mettent en exergue son suicide, selon la tradition du seppuku, et d'autres, moins nombreuses rappellent la scénarisation évènementielle que Mishima mit savamment en scène pour les dernières heures de sa vie. Mishima était un homme de principes, oui, de préceptes surtout. Le Japon s'américanisait il est vrai, mais c'est l'acculturation et le consumérisme effréné de son peuple qu'il redoutait le plus. Mishima n'était pas foncièrement anti-américain. Il était même un grand amateur de cultures étrangères, amoureux de la Grèce antique, préférant que ses traducteurs se basent sur la version anglaise de ses textes. Et oui, il défendait bec et ongles le respect des valeurs ancestrales de son pays, ses coutumes, ses arts, sa philosophie, ses arts martiaux, son Histoire source de fierté.
Voilà pour l'homme. En tant qu'écrivain, Mishima fut un auteur à part, moderne, ouvert d'esprit et à d'autres inspirations que les seules nipponnes, en une époque où écrire comme Kawabata (qui eut le Nobel) était créer avec l'élégance japonaise par excellence. Mishima, moins figuratif que le vieux maître qu'il respectait énormément (correspondance existante entre les deux chez Gallimard), innova par les caractéristiques psychologiques de ses personnages, abordant des sujets tels que la sexualité par le biais de la normalité tue, des affres de tout être que la découverte des sens rend à la solitude de son propre apprentissage. Sur un tout autre plan, Mishima devint le chantre d'une philosophie toute japonaise, basée sur le Hagakuré (lire le sublime Le Japon moderne et l'éthique samouraï), et sur la conjugaison nécessaire à l'excellence humaine entre l'action et l'intellect, l'harmonie de la plume et du sabre (lire Le soleil et l'acier).
Enfin, concernant l'homme et l'intéraction stupéfiante existant entre son œuvre et sa vie, comme rarement dans l'existence d'autres écrivains, rappelons son dandysme et sa préoccupation constante de la beauté et du respect dû à la celle-ci et à la vie qui le menèrent même à endurer des heures et des heures de musculation pour parfaire une complexion débile des jeunes années. Rappelons aussi son engagement dans les arts martiaux (le kendo notamment).
Pour finir, outre les deux essais cités, voici quelques uns de ses romans, chefs d'œuvre dans une œuvre prolixe et diverse :
Confession d'un masque
Le Pavillon d'Or
La Mer de la Fertilité (tétralogie)
Pour info, le film de Paul Schrader, Mishima, (1985) est fort intéressant, esthétiquement très abouti, suffisamment dérangeant pour évoquer ce que l'homme avait de tourmenté, et structurellement très judicieux car se déroulant sur une alternance de séquences entre la vie de l'artiste et son œuvre.
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